Le prix à payer....

Le hibou hulule, le meulou hurle, la forêt fait parvenir ses murmures nocturnes.
Œil rivé derrière un coin de rideau, j’attends… ou plutôt, je m’esclaffe d’impatience.

La roulotte est vide… Quand je dis vide, oh non, il n’y a pas absence de fatras, mais, c’est sans présence, sans vie… Depuis trois jours que j’ai eu cette révélation, Môsieur Belomen est absent…

Une brèche - que dis je une faille, mon tombeau ! - s’est ouverte sous mes pieds. Encore un atout camouflé dans sa manche, surgi de nulle part et pris en plein visage. Une énorme claque qui me dévisse le cou.

La vision de l’horreur ressurgit sous mes yeux : ce film, ces visages, puis Belomen, sa présentation… Le dragueur fou… Rah, le fourbe, le vil !
Ou est-il passé maintenant ?

Je secoue énergiquement la tête. De toute façon, ce n’est plus Belomen que j’attends…
Non. C’est l’arrivée de Zarlok qui m’importe désormais.

Lassée de cette surveillance sans relâche, je me laisse distraire. Je souffle sur la vitre pour y former de la buée puis y colle mon front, ma langue, mon nez, pour y faire des dessins.

« Mais qu’est-ce qu’il fabrique celui-ci aussi ? Tous les mêmes… » dis-je en pestant lorsqu’une ombre furtive attire mon attention.

Je distingue nettement une masse foncée au-dehors et qui s’avance à pas réguliers vers le campement. Ca ne peut pas être Zarlok, c’est trop gros…

Je détourne la tête et souffle.

Une heure plus tard, Zarlok rentre enfin au campement, revenant de ses activités nocturnes. Je le discerne -mal mais je le discerne- en train d’attacher fermement sa monture, qui elle est nettement visible que lui, à un solide châtaigner.

Prestement, je vais me poster au coin du feu, prenant une pose parmi les plus naturelles. Puis, disposant rapidement une carafe de lait sur les braises, j’invite Zarolk à me rejoindre dans de grands gestes.

Je tapote un large caillou auprès de moi, et attends tranquillement que Zarlok, tricote avec ses petites jambes, pour me rejoindre.

D’un ton mielleux, je m’enquière de son état de santé, de ses activités actuelles, lui servant le liquide chaud et apaisant.

« Un bonbon, un peu de gâteau pour accompagner ton breuvage ? Non ? Comme tu veux, de toute manière cela ne fait pas grandir, tu ne perds rien…. Mais parlons un peu des choses sérieuses, alors… »
Je m’interromps, vérifiant que personne ne traîne les oreilles dans les parages puis reprends, dans un chuchotement : « …pour Belomen, ça avance ? »

Zarlok soupira. Il avait attaché sa monture noire a un châtaignier qu'il n'avait pas eu le temps de couper.Il ne perdait rien pour attendre.L'abre, pas Zarlok.N'importe quoi, vous, décidément. Attiré pas les gesticulations désordonnés d'une "grande asperge accoutrée comme un sapin de nowel" il se dirigea vers Odhana, une sacoche à l'épaule, la posa dans un coin avant que celle ci la repère , et s'assit aux côtés de la Cra bariolée.

Il ne disait pas un mot , visiblement fatigué et en conflit avec soi lui même, soi le peu qu'il lui restait de conscience. Il posa le bol a côté de lui, par réflexe, il ne buvait rien de ce qu'on lui proposait. Il tourna lentement la tête , regarda Odhana dans les yeux, longuement, et lui dit :


Tu devrait manger plus de poisson.


Puis, il reprit, plus sérieux :

Et bien, j'ai deux mauvaises nouvelles... La première c'est que comme tu sait, je serais le seul à pouvoir faire ce que tu m'as demandé.La deuxiéme, c'est que je ne suis pas gratuit...
Surtout pour ce genre de choses. Les parchemins coûtent cher, et j'ai faillit me faire dévorer par un meulou au moins grand comme ça ! * Il écarta les bras au maximum, ce qui ne devait pas faire plus de cinquante centimètres*

Tout en jouant avec un cailloux, il continua :

Il va falloir trouver un truc, Odhana...

Rah, le fourbe !

« Je ne sais pas moi qu’est ce qui pourrait t’être utile…. Une marmite de soupe ? Des échasses ? Un garde du corps ? Des bottes de Drague Kouine? » fais-je, mimant une réflexion profonde à sa demande.

Il semble las et ne répond pas, laissant un silence lourd s’installer en guise de refus.

« Mais mais… je suis une pauvre craette sans défense, sans le sou et toi tente d’en profiter… Ah ben, bravo, bel esprit de guilde…. Tu devrais avoir honte, Zarlok.. Moi qui me suis pliée en quatre pour ton intégration ! Aucune reconnaissance ! Les nains de nos jours, c’est plus ce que c’était ! ».

Nouveau silence pesant. Zarlok ne daigne même pas émettre un son.

Il m’agace profondément à être hermétique à son environnement. Toujours aussi désagréable le vil ! A croire qu’il va me falloir le menacer pour qu’il me rende service : quelle perte d’énergie !

Je me lève brusquement, tentant de lui faire peur. Pointant vers lui un doigt menaçant, je tonne : « Tu sais Zarlok, il se pourrait que Poupette pâtisse de la bêtise de son maître si tu refuses de m’aider ! Tu n’as donc pas de cœur ? »

« S’espionner comme tu y vas… Je te sollicite simplement en tant que garant de notre bonheur et ami de valeur… J’ose espérer que tu ne te désintéresses pas du bien être des autres membres de ton clan ?
Peut être t’est il égal, remarque, que le groupe se disloque, que les unions se dissolvent ? Mais oui, c’est donc cela ! Toi qui n’avait pour seul but de ton intégration qu’une couverture te protégeant, démon ! Te voilà révélant ta face de conspirateur cupide ! Un soldat ! Pfeu, que neni»

Mon ton devient agressif, je me laisse emporter par mes propres craintes, cheminant allègrement sur le parcours de mon délire.

« Tu… tu… tu n’es qu’un être… petit et bas ! Et intéressé en plus ! Et méchant ! »

Je me suis mise à hurler sans m’en rendre compte, devenue complètement hystérique.

Mais je ne peux m’en empêcher… Je suis en train d’imploser, recrachant toutes mes contradictions au visage de Zarlok, accessoirement à l’ensemble des caravaniers à 100 kamamètres à la ronde.

Ou même pour ceux qui pouvaient être très proche, mais ca, Odhana-luv, ne le savait pas.