Cela faisait des journées entières qu'elle le suivait, le pistant depuis les portes noires de Brakmar. Il avait essayé maints fois de la semer, dans les landes de Sidimote d'abords alors que ce territoire n'était pour elle qu'un terrain de jeux depuis sa tendre enfance puis en Bonta même, croyant sans doute trouver sous l'ombre des miliciens une protection suffisante... alors que l'ombre était son domaine de prédilection.
Pourtant il n'avait alors pas eu tout à fait tord. En cette ville minée par la corruption la garde avait été considérablement renforcée. Trop sans doute... et certains anges, ailes déployées, faisaient planer autour d'elle bien des menaces. Elle s'était contentée de l'observer... le laissant reprendre confiance chaque jour un peu plus jusqu'à la première erreur qui lui serait fatale. Les ecaflips ont ce tord de toujours s'en remettre un jour à la chance... sans penser que parfois la défaite est la seule récompense... ou la mort.
Confiante en son instinct elle rentrait le soir venu en Bonta, s'offrant la nuit venue au bon plaisir et caresses de Vil Smisse tout en évitant de croiser d'autres émissaires de son maître. Djaul ne devait pas savoir que sa mission prenait du retard... surtout pas. Et, alors que l'aube revenait enfin, elle reprenait son observation, calme et résolue, sa détermination aussi inflexible que sa lame était tranchante.
Enfin, au bout d'une semaine déjà, l'occasion se présenta. Croyant sans doute que sa présence dans la cité de lumière avait écarté de lui tous les regards brakmariens sa cible avait commis l'imprudence de vouloir se rendre en Madrestam où demeurait le reste des siens. Pour se faire il avait été acquérir à l'hôtel de vente la plus rapide des montures, soucieux sans doute de ne pas être suivi. Mais il n'était pas le seul à avoir fait des achats... Nazgalia eut un sourire en sortant de sa poche une tripoté de parchemins vierges.
- Cours... maintenant où que tu sois je n'aurais plus guère à te chercher...
L'incantation finie la présence de sa future victime était désignée sur le papier, lui indiquant la direction à prendre pour le rejoindre. Son sourire s'accentua, pointe de sadisme dans l'obscurité de la nuit. Elle pourrait bientôt rentrer en Brakmar... très bientôt même. Elle se mit en route.
- ... et tu me payeras cette nuit que je passe loin de son lit...
C'est à l'entrée même de Madrestam qu'elle le rattrapa finalement, ce crétin aurait mieux fait de s'acheter un plan plutôt qu'une monture... pour peu elle aurait même pu le dépasser. Il semblait fatigué, les yeux un peu perdus, tendu. Normal... mais qui serait sain d'esprit d'ainsi dérober son bien au grand Djaul... Qui pensait-il bien pouvoir impressionner par un acte aussi idiot ?
Murmurant une nouvelle incantation elle se rendit invisible, cette formule périlleuse lui demandait beaucoup de concentration et d'énergie... elle la maîtrisait avec quelques difficultés encore, mais était si utile... Pas à pas elle s'avança vers lui, entendant déjà sa respiration et anticipant le moindre de ses mouvements empâtés. Sa lame se leva.
- Ahhhhhhhh !
Au loin une lumière s'était allumée dans ce qui semblait bien être le rassemblement de quelques caravanes tandis qu'une ecaflipette sortait en trombe à l'extérieur.
- Qui a osé repeindre mon intérieur ?? ODHANA !!!
La surprise fit perdre sa concentration à la sramette, la révélant à sa cible. Ils se fixèrent pendant quelques instants..
- Vous êtes venus pour moi... le dernier du clan de l'eau... comme pour mes parents... mais... vous ne m'aurez pas... je n'ai pas le droit de mourir... pas ici... ni maintenant...
Et il se mit à courrir vers les caravanes, le regard fou. Elle siffla entre ses dents et se lança à sa poursuite, agacée, la dague à la main. Dehors tout semblait s'animer soudain tandis qu'une à une les caravanes s'éveillaient, déjà plusieurs personnes étaient dehors. Dans quelques secondes il y serait sans doute mais... Trop tard, elle était déjà sur lui et d'un mouvement simple de maints fois accompli elle mit fin à la vie de ce misérable... à quelques mètres seulement de la première roulotte. Elle tourna le cadavre.
- Alors... où l'as tu mis...
Une lumière approchant lui fit relever la tête. Elle poussa un juron silencieux et, reculant, se fondit à nouveau dans l'obscurité laissant aux caravaniers un corps malheureusement bien connu.